Législation française du changement d'état civil (CEC)

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1) Historique:

L’état civil est considéré depuis Napoléon comme la propriété de l’Etat Français, il est notamment soumis au « principe d’indisponibilité ». C’est sur ce « principe d’indisponibilité » que s’est appuyé la Cour de Cassation pour refuser systématiquement le changement d’état civil pour les « transsexuels », jusqu’à la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 1992 pour non respect de la vie privée.

Depuis 1992, les personnes trans étaient sous le régime de l'arrêt de la cour de cassation du 11 décembre 1992 pour le changement d’état civil (mention du sexe + prénoms):

« Lorsque, à la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence ».

La procédure consistait le plus souvent à « assigner » l’Etat (représenté par le procureur ) devant le TGI (Tribunal de Grande Instance). Pour avoir gain de cause, il fallait prouver :

  • Qu’on est « malade du transsexualisme » (certificat d’un psychiatre),
  • Qu’on a effectué une « Chirurgie de réassignation de sexe » (SRS confirmée par un certificat de médecin, etc..) et se traduisant par une stérilisation.
  • Qu’on est socialement intégré dans le genre de destination (attestations, courriers, etc…).

Dans la pratique, à part quelques exceptions (certains juges/tribunaux) le fait d'être stérilisé était systématiquement imposé pour le changement de la mention du sexe.

Le changement du seul prénom était possible au travers de l'article 60 du code civil « Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales (Tribunal de Grande Instance) à la requête de l'intéressé… ». Il fallait pour cela prendre un avocat et engager une procédure auprès du TGI (Tribunal de Grande Instance) soit de son lieu de résidence, soit de son lieu de naissance. En général, les tribunaux ne faisaient pas de difficulté pour accepter les changements de prénoms, sous réserve qu’on puisse produire des documents (attestations rédigées et signées par des relations, proches, etc…) prouvant qu’on vit bien dans le genre correspondant au prénom revendiqué.

La loi du 18 novembre 2016 change les modalités de changement du prénom et de la mention du sexe.

2) Loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, article 56

La loi est rédigée ainsi:

I. - L'article 60 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 60. - Toute personne peut demander à l'officier de l'état civil à changer de prénom. La demande est remise à l'officier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. S'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée.
« Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
« La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l'état civil.
« S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu'elle est contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »

II. - Après la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du même code, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :

« Section 2 bis
« De la modification de la mention du sexe à l'état civil

« Art. 61-5. - Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.
« Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être :
« 1° Qu'elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
« 2° Qu'elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;
« 3° Qu'elle a obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué ;

« Art. 61-6. - La demande est présentée devant le tribunal de grande instance.
« Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil et produit tous éléments de preuve au soutien de sa demande.
« Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande.
« Le tribunal constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l'article 61-5 et ordonne la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l'état civil.

« Art. 61-7. - Mention de la décision de modification du sexe et, le cas échéant, des prénoms est portée en marge de l'acte de naissance de l'intéressé, à la requête du procureur de la République, dans les quinze jours suivant la date à laquelle cette décision est passée en force de chose jugée.
« Par dérogation à l'article 61-4, les modifications de prénoms corrélatives à une décision de modification de sexe ne sont portées en marge des actes de l'état civil des conjoints et enfants qu'avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
« Les articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de sexe.

« Art. 61-8. - La modification de la mention du sexe dans les actes de l'état civil est sans effet sur les obligations contractées à l'égard de tiers ni sur les filiations établies avant cette modification. »

3) Conclusion

Cette loi, dont les décrets d'application ont été publiés, devrait modifier sensiblement les conditions du changement d'état civil:

  • Le changement de prénom se fait en mairie (attention, l'officier d'état civil pourra saisir le Procureur de la République s'il n'est pas d'accord....)
  • Le changement de la mention du sexe se fait toujours au Tribunal de Grande Instance, mais en théorie le juge ne pourra plus exiger que la personne soit "stérilisée" ni exiger de certificats médicaux. La demande est formée par requête remise ou adressée au greffe. Le cas échéant, la requête précise si la demande tend également à un changement de prénoms. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire.

Cependant, nous n'avons toujours pas obtenu "l'autodermination", c'est toujours un tiers qui décidera à notre place...

Reste à observer comment les choses se passent en pratique dans les mairies et dans les tribunaux. On peut déjà penser que suivant que l'on "tombe" sur tel officier d'état civil ou sur tel juge, on ne sera pas "logé à la même enseigne". Les disparités de traitement persisteront tant qu'on aura pas un changement d'état civil sur simple déclaration (comme en Argentine ou à Malte). 

Voir aussi: https://www.acthe.fr/fiches-pratiques/209-guide-le-changement-d-etat-civil-avec-la-loi-justice-du-xxie-siecle.html

(Un guide pratique très utile avec des exemples de jugements récents et des modèles utilisables)